L'Altogamba

L’altogamba, un alto qui se joue comme un violoncelle.

L’histoire de cet instrument remonte à  l’été 2013. Un jour, je reà§ois une commande un peu particulière d’un musicien russe, M. Eugène Neyfack. Considérant que l’alto classique est trop petit pour avoir une puissance et une qualité de son qui en ferait l’égal du violon ou du violoncelle, il me commandait un alto dont la longueur de corde vibrante serait une fois et demie celle du violon, soit approximativement 50 cm, la taille d’un violoncelle 1/8.

J’ai refusé comme tant d’autres luthiers avant moi, car c’était beaucoup trop compliqué. Puis j’ai accepté, estimant que c’était un défi et que peut-âtre derrière cette commande saugrenue se cachait une véritable innovation. Les anciens eux-mâmes s’étaient heurtés au problème de l’alto qui manque de puissance, au son facilement nasillard, raison pour laquelle sa taille n’a jamais été normalisée. On a construit des altos de 39 à  47 cm, ces derniers ayant été très vite abandonnés parce qu’injouables d’une manière classique, «sur le bras».

Or, depuis les grands luthiers italiens, on a inventé un accessoire qui repose la question de l’alto d’une autre manière : la pique du violoncelle. Ainsi, un très grand alto muni d’une pique peut se jouer «da gamba» comme le cello, d’où l’idée de l’altogamba.

 

L’altogamba a la taille d’un violoncelle 1/8, mais pas la forme. Les éclisses sont moins hautes pour conserver un son d’alto.

Avant mâme de commencer la construction, j’ai dû résoudre pas mal de difficultés. J’ai dû inventer la forme et fabriquer un moule. Puis je me suis intéressé à  la hauteur des éclisses qui devaient âtre moins importantes que celles du violoncelle. Il a fallu trouver des cordes capables avec une longueur de 50 cm de vibrer dans l’accord de l’alto. La maison Savarez m’a aidé à  résoudre ce problème. Ensuite, j’ai dû créer un chevalet : le chevalet d’alto classique était trop étroit, le chevalet de violoncelle 1/8 était trop haut avec des jambes trop longues favorables aux vibrations lentes caractéristiques du violoncelle. Après six essais, j’ai finalement adopté le chevalet de la photo.

 

J’ai dû inventer un chevalet à  la forme particulière. Les jambes sont plus courtes que celles du violoncelle pour conserver les caractéristiques du son d’alto.

L’altogamba sonne très bien, et conserve un son d’alto avec une puissance qui peut rivaliser avec celles du violoncelle et du violon. Ses basses sont profondes, «charnues», ses aigus n’ont pas ce côté un peu aigre des chanterelles d’altos classiques. Mais il faut le jouer »‰!

Les violoncellistes sont très vite à  l’aise. Après quelques minutes d’hésitations, ils n’éprouvent plus de difficulté. Ce n’est pas aussi simple pour les altistes ou les violonistes pour qui la position «da gamba» n’est pas naturelle. Pourtant, les avis sont unanimes : ce nouvel instrument a sa place dans le quatuor et dans un orchestre symphonique »¦

À ce jour, il n’existe que deux altogambas dans le monde, l’un à  Moscou, l’autre chez moi. Je le garde comme instrument de démonstration à  la disposition de ceux qui veulent l’essayer.